Récit de méditation 1
Mes pieds foulent le sable doré et de grandes falaises de roches rayées s’élancent vers le ciel. Je suis dans un canyon, protégée des intenses rayons de soleil de ce début de soirée par ces entailles de pierre.
Soudain, une ouverture. Le couloir s’écarte et forme une chambre suffisamment large pour accueillir un troupeau de créatures. Au centre, des rocs m’arrivant à la taille sont disposés en cercle, ceignant une zone de sable aux reflets irisés. Le terrain a l’air particulièrement instable à cet endroit. Les ongulés sont entièrement blancs. Ils ont un corps de cheval, des bois de cerf et une fine couche de laine sur le dos.
Tour à tour, ils s’enfoncent dans les grains multicolores comme dans des sables mouvants. Ils se tournent et retournent, entièrement recouverts de limon nacré, puis ressortent sans effort en s’ébrouant. La mixture est tellement opaque que l’on ne perçoit plus aucune touffe de fourrure blanche.
L’un d’eux s’approche de moi et des mots résonnent dans mon esprit.
« Joins-toi à nous ! »
Avec une certaine réticence au premier abord, je me baigne à mon tour dans cette substance étrange, mi solide, mi liquide. Dans un élan de courage, je m’immerge complètement.
Soulagée de pouvoir ressortir du bassin, j’ai la désagréable sensation d’avoir une seconde peau.
L’excitation monte parmi les animaux. Certains se cabrent, d’autres piétinent. Le plus massif d’entre eux impose sa volonté dans notre âme.
« Allons à la colline mes amis ! Que notre couleur s’épanouisse ! »
Je décide de suivre le mouvement jusqu’au sommet d’un piton rocheux, surplombant un désert sans fin. Le soleil est désormais bas dans le ciel et colore d’ambre tout le paysage.
Le chef de la harde, aussi étincelant que les autres, entonne un puissant mugissement suivi d’un calme assourdissant. Une pression intangible parcoure ses semblables. Tous sont aux aguets, dans l’attente d’un évènement.
Quelques secondes plus tard, un bruit régulier se fait entendre, puis devient de plus en plus puissant. La tension laisse place à l’euphorie alors qu’un oiseau gigantesque apparaît. Il se stabilise devant l’à-pic. Subitement, mes voisins courbent leurs pattes et baissent leurs têtes couronnées. Ignorant la suite, je les imite en m’agenouillant.
L’aigle fait claquer ses ailes avec la force des tempêtes. Décontenancée, les premières bourrasques me font reculer de plusieurs pas. Mes doigts s’accrochent aux aspérités du terrain et je ferme les yeux contre la poussière. Autour de moi, des hennissements et des cliquetis de sabots me font comprendre que je ne suis pas la seule à lutter.
Puis, plus rien.
Je rouvre timidement les paupières. Le titan ailé a disparût.
Le troupeau, lui, est métamorphosé. Les chevaux sont devenus des zèbres. Leurs robes blanches ont refait surface et des fines lignes de couleurs iridescentes strient leurs corps. Chaque individu a gardé une seule couleur, différente de celle de leurs congénères.
J’inspecte alors mes bras. Ils sont également couverts de zébrures, mais pas de teinte vibrante. A la place, c’est une poudre faiblement argenté et terne.
Le meneur du groupe, désormais paré de rouge carmin, s’avance et m’inspecte à son tour.
« Je vois… Tu fais partie de ceux-là… »
D’un hochement de tête il désigne les siens, qui caracolent joyeusement sur la colline.
« Ce rite est important pour nous. Nous pouvons ainsi faire émerger notre éclat, notre individualité et notre identité. Notre différence fait notre force. »
Il se tourne vers moi et plonge ses yeux noirs et sans fonds dans les miens.
« Mais parfois, cette simple cérémonie ne suffit pas. Viens avec moi, une autre épreuve t’attend. »
Que c’est beau !